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L’émerveillement devant le Verbe de Dieu fait homme, Federico Barocci

Huile sur toile, 1597, 134 x 105 cm; musée du Prado, Madrid

Federico Barocci, né à Urbino dans une famille lombarde, est un des principaux représentants du maniérisme durant la période de la Contre-Réforme, entre le Corrège et le Caravage. Sa carrière fut rapide et brillante, inspirée de Raphaël et admirée par Michel-Ange. On a conservé de lui quelques deux mille dessins, plus que pout tout autre artiste de cette période. L’essentiel de son œuvre est à caractère religieux, et s’attache à rendre sensible la présence de Dieu et de sa transcendance dans le monde visible. Il eut un art consommé de suggérer la dimension spirituelle de la lumière, qui pourrait avoir influencé Rubens.

Sa Nativité, réalisée sur une commande de Francesco Maria II della Rovere (1549-1631), condottière et duc d’Urbino, est un exemple insigne. Le peintre joue du contraste entre l’étable obscure, une vraie étable avec ses purs aux pierres apparentes, sans fenêtre ni autre source de lumière naturelle, avec son compartiment à paille, et le rayonnement surnaturel de l’Incarné couché sous le bœuf et l’âne sagement disposés et prêts à le réchauffer de leurs souffles. C’est de l’Enfant Jésus couché, non plus par terre, mais dans la mangeoire, que provient la lumière de celui qui a pu se dire « La Lumière du monde » (Jn 8,12). Marie en est toute éclairée, comme aussi le dos de Joseph et les têtes du bœuf et de l’âne. L’Enfant, réalisme oblige, est dépourvu de nimbe, absence plutôt rare — la lumière qui émane de lui en tient lieu. Il a les yeux ouverts et regarde sa mère, qui ouvre les bras en signe d’accueil. Son regard est rempli de tendresse pour son petit. Sa silhouette élégante, ses vêtements raffinés, le voile transparent sur la tête et les épaules, le soin de sa coiffure, la délicatesse de son geste font un contraste saisissant avec la pauvreté des lieux. La précarité des conditions où s’est déroulée la naissance de Jésus ne diminue en rien la noblesse qui émane du couple de la mère et de son enfant. On dirait qu’elle s’est communiquée au bœuf et à l’âne, dont la dignité n’est pas banale.

Un changement notable est survenu dans l’art, qui touche à l’attitude adoptée par Marie, dans cette scène, devant son enfant. Est-elle encore agenouillée, comme dans l’ensemble des œuvres médiévales sur ce sujet ? Ce n’est pas certain. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que son geste n’est plus celui de l’adoration mains jointes : elle écarte les bras, d’une manière qui exprime l’accueil, l’admiration, l’étonnement émerveillé, la gratitude envers le ciel. Sans doute récite-t-elle silencieusement le Magnificat.

Joseph, quant à lui, émerge à peine de la pénombre. Il s’empresse, en témoin émerveillé de la Nativité, auprès des bergers encore sur le seuil de l’étable pour les accueillir et leur désigner l’enfant en les priant d’entrer. En digne héritier de la maison de David, il est constitué le garant de la protection et de la proximité de Dieu à son peuple, qui culmine dans l’incarnation du Christ, comme le proclame la liturgie : « Il a sauvé son peuple à travers les prodiges, le Souverain, en ramenant un temps sur la terre asséchée l’onde humide de la mer. Mais en naissant volontairement de la Vierge, il ouvre pour nous un sentier permettant de rejoindre les cieux » (Liturgie de la nativité).

François Bœspflug – Emanuela Fogliadini
Extrait de Natale nell’arte d’Oriente e d’Occidente, Jaca Book 2020